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HotHeads

extrait vidéo, HotHeads, 2019-20

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Am I good or bad? I’m about justice.

Riding on the edge like a real HotHead

Gross s’est plongée dans le microcosme

des motardes suisses. Elle les a rencontrées par l’entremise

d’amies, internet ou en visitant des amicales. Au fil des entretiens, l’artiste est frappée par le discours de ces femmes âgées entre 50 et 70 ans. Certaines disent vouloir faire partie d’un monde d’hommes tout en revendiquant leur appartenance à celui-ci comme une libération. C’était l’époque des Trente Glorieuses où obtenir un permis moto était un geste fort de rébellion pour ces femmes dont les parents étaient encore attachés à un mode de vie helvétique très strict.

(...) Adopter ce modèle traditionnellement masculin est une manière de s’affirmer. Leurs aspirations ont mis du temps à se réaliser. La plupart des motardes interrogées n’ont pu saisir le guidon qu’à la cinquantaine passée. Si les clichés subsistent, l’obtention d’un permis moto n’est plus une préoccupation majeure du féminisme actuel. La conquête du bitume importée des États-Unis est même critiquée à l’heure de la crise climatique. Maëlle Gross est consciente de ce fossé autant générationnel que culturel qui la sépare des motardes. (...) Les téléviseurs diffusent des métrages centrés sur trois motardes et divisés en deux parties. La première propose des entretiens individuels. On les voit chez elles, devant leur garage, portant fièrement leur casque ou sur leur monture, souvent impressionnante. On assiste à leurs préparatifs. L’autre partie est résolument camp, à savoir une exagération délibérée d’une esthétique dépassée.

Les motardes sont vêtues de costumes bigarrés conçus par l’artiste. Leurs vestes sont parées de bandes de papiers. Maëlle Gross a peint les bandes individuellement et a conçu un arrangement spécifique à chaque vêtement. (...)par les Bikers américains qui les tenaient eux-mêmes des vestons des cow-boys. A travers ces tissus et explosions chromatiques, Gross rejette toute velléité d’élitisme.

Elle cherche la joie décomplexée qu’apportent ces matières non-nobles. Ainsi parées, les motardes sont invitées à danser sur des séquences musicales composées par Simon Acevedo. Leur danse évoque les sensations que leur procure la conduite. Le tout est baigné dans des jeux de couleurs vives accompagnées de fumigènes. Maëlle Gross s’est ouvertement inspirée de Scorpio Rising (1970), un court-métrage culte et anticonformiste de Kenneth Anger. Une telle influence n’est pas un hasard, le film prenant à rebours la figure du motard. Gross cherche à installer une ambiance fantasmagorique, marquant l’apparente dichotomie entre les impressions des motardes et les carcans de leur monde. Autour de chaque poste, trônent des sacs de sable enrobés des mêmes tissus chatoyants que les costumes. Les tissus ont été choisis un par un, afin de rendre chaque objet unique. Selon l’artiste, c’est une métaphore du baptême des motardes. Elles commencent leur vie sur la route, assises derrière les hommes à bord de leur monture d’acier. Elles remplissent la fonction de lests, facilitant la conduite dans les virages. Les femmes jouent donc au départ un rôle passif. Ce n’est que plus tard qu’elles obtiennent le droit de prendre les commandes. Il n’est pas difficile de faire un parallèle avec le parcours des femmes dans la société en général. Les sacs font aussi office de coussins sur lesquels les spectateurs sont invités à s’asseoir. Leur apparence de légèreté est trompeuse. Ces poufs sont en réalité froids, lourds et consistants car le sable qu’ils contiennent est humide. Ce manque de confort évoque celui des motos. Malgré leur extérieur rutilant, ce sont des engins puissants qui demandent une maîtrise et une attention constante. L’ambivalence du discours des motardes est ainsi incarnée dans la scénographie elle-même. L’artiste opère un double constat. D’une part, que l’indépendance des femmes dans nos cultures occidentales est encore très largement codifiée par des poncifs masculins. D’autre part, que ces ambiguïtés identitaires ne doivent pas être occultées ou moquées au profit de la vision manichéenne d’un monde clivé. Le féminisme est pluriel, composé de nombreux courants, parfois contradictoires. Mais plutôt que d’occulter ces dissensions, Maëlle Gross les révèle et les sublime. Apprécier toutes les nuances du féminisme est la façon la plus honnête de l’aborder. Néanmoins, l’artiste ne cherche pas à faire un portrait sociologique. Sa démarche se veut spontanée. Comme pour la majeure partie de ses oeuvres, tout part d’une impulsion, d’une question qui elle-même permet le dialogue. Entre elle et ses interlocutrices, c’est un rapport de collaboration. L’oeuvre se construit dans le respect des motardes, non à leur détriment. Maëlle Gross et les Hotheads ont ce même désir d’affirmation de soi. Trouver leur place dans un monde

encore trop masculin, que ce soit l’univers des grosses cylindrées ou de l’art contemporain.

Guillaume Babey

Publié dans le cadre du séminaire Theorie und Praxis der Kunstkritik, une collaboration entre le Département

d’Histoire de l’art et d’archéologie de l’Université de Fribourg et l’Office fédéral de la culture.

HotHeads

2019

Vidéo, textile, sable, peinture

Dimensions variables

10’38”, 8’19”, 7’50”

Swiss Art Awards, 2019. Kunsthaus Langenthal, 2020

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video still, HotHeads, 2019

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video still, HotHeads, 2019

sculpture, gold wing, exhibition view, HotHeads,  Kunsthaus Langenthal 2020

FICHE TECHNIQUE :

HotHeads

2019-2020

10’38”, 8’19”, 7’50”

4K & Full HD

par Maëlle Gross

avec Françoise, Marie-Rose et Micheline

prise de son et mixage: Clara Alloing

composition musicale: Simon Acevedo

costumes: Maëlle Gross

chorégraphie: Claire Dessimoz

assistante plateau: Alice Francillon

sous-titres anglais: Valentine Mottaz et Carl Gent

exportation vidéo: Raphaël Paul Frauenfelder

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